En Allemagne, la propagande russe trouve un écho particulier — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Les discours prononcés mardi pour l’occasion ne faisaient pas moins écho à ceux entendus à Moscou. « L’Ukraine martyrise son propre peuple dans le Donbass », affirmait l’un, tandis que l’autre estimait qu’ »on ne dit pas la vérité sur ce conflit en Allemagne ». La thèse selon laquelle l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) aurait provoqué la Russie trouvait aussi bonne place dans les propos.

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Ces exemples rappellent à quel point la stratégie de désinformation russe porte ses fruits en Allemagne, pays qui compte 3 millions de russophones, pour la plupart des Allemands ethniques du Kazakhstan et de Russie, arrivés après la chute du Mur de Berlin en 1989.

Défiance à l’égard de l’Otan

Au-delà ce cette communauté, les thèses du Kremlin progressent dans la population. Le nombre d’Allemands qui souscrivent à celle de la provocation de l’Otan est ainsi passé de 12 à 19% entre avril et octobre 2022, selon une étude du Centre de veille, d’analyse et de stratégies (Cemas).

« C’est un chiffre assez élevé, et on pense qu’il est le résultat à la fois des campagnes de désinformation et des croyances et attitudes existantes envers l’Otan », commente Julia Smirnova, l’une des responsables de l’étude, interrogée par la chaîne allemande Deutsche Welle.

Ce narratif est porté notamment par Russia Today qui, malgré son interdiction en Allemagne dès février 2022, reste accessible sur des sites miroirs – des pages qui imitent à la quasi-perfection les sites de médias reconnus tels que le principal tabloïd allemand Bild et postent des articles relayant les récits du Kremlin sur la guerre en Ukraine.

Des blogs influents

Le message de Moscou est également relayé par de nombreux blogueurs allemands dont l’influence ne cesserait de grandir, selon l’historienne Susanne Spahn, rencontrée par la RTS.

A 29 ans, Alina Lipp fait partie de ce bataillon d’un nouveau genre. Suivie par 200’000 personnes, elle se présente comme journaliste de guerre germano-russe et se dit en quête de vérité.

« Elle répercute directement la ligne du Kremlin et elle propage également de fausses informations en racontant par exemple que les Ukrainiens mettent eux-mêmes en scène des massacres », précise Susanne Spahn. « L’objectif, c’est toujours de donner une bonne image de la Russie ».

Appels à réagir

Si le Parquet fédéral allemand a ouvert une enquête au sujet de cette jeune femme, la désinformation n’en continue pas moins de faire son chemin en Allemagne, où elle est portée jusqu’au coeur du Parlement par les partis d’extrême gauche et, surtout, d’extrême droite.

Pour faire face à cette guerre hybride, Berlin, qui ne joue pas avec les mêmes armes que la Russie, mise avant tout sur le renforcement des médias publics. « Il est essentiel également de financer les institutions qui s’engagent dans la lutte contre la désinformation », réclame de son côté la députée écologiste Tabea Rössner. « Il faut donner les moyens à la société en général d’être plus résiliente face à cette désinformation », insiste-t-elle.

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Cela semble d’autant plus important qu’avec plus de 700 campagnes de désinformation menées contre elle depuis 2015, l’Allemagne resterait la première cible de Moscou, selon un rapport de l’Union européenne.

Sujet TV: Anne Mailliet, correspondante en Allemagne

Adaptation web: jgal