Droits humains: le pouvoir de la honte — Genève Vision, un nouveau point de vue

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En première semaine, le CDH a résonné d’échanges bruyants, de confrontations sévères, de menaces et d’éclats de toutes sortes. C’est le Royaume-Uni qui a ouvert les feux avec des attaques d’une rare intensité envers la Chine, n’hésitant pas à parler de « génocide » pour qualifier les exactions contre le peuple ouïghour. Cela lui a valu une réplique cinglante de la Chine qui jure lutter contre le terrorisme et travailler à élever le niveau de vie du Xinjiang. « La Chine considère le droit à la subsistance et au développement comme des droits humains fondamentaux et primaires », a dit le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi. Il défend ainsi la priorité de ces valeurs sur la liberté ou la religion. On a entendu un Antony Blinken fustiger la Russie sur l’emprisonnement d’Alexeï Navalny. Sergueï Lavrov a répliqué vertement. Le CDH est le « condensé de la géopolitique mondiale », pour reprendre l’expression de l’émission « Tout un Monde » de la RTS. Le multilatéralisme dont on a espéré le retour commence par des passes d’armes bilatérales.

Le CDH établit le catalogue des violations. Rien de ce qui est inhumain ne lui est indifférent. On y parle de la Birmanie, du Yémen, de la Biélorussie, de la Syrie, des inégalités face aux vaccins, du racisme. Ce qui est nouveau cette année, c’est l’écho amplifié des débats. Les violations des droits, les vilénies sont connues de tout le monde, mais elles prennent là une autre dimension. Les prévenus protestent, mais leurs dénis ne trompent personne et contribuent même à la visibilité des problèmes. On n’attend pas d’aveux, mais les coups de projecteurs font mal.

On peut s’interroger évidemment sur l’efficacité d’un Conseil onusien où tous les Etats, même ceux qui ne respectent pas les droits humains, sont présents et peuvent contester, voire tout bloquer. Les résolutions ne sont d’ailleurs pas contraignantes, mais elles sont des marqueurs de mauvaise image et les Etats concernés y sont malgré tout sensibles. Leur énergie à plaider à tout prix le prouve. « C’est le pouvoir de la honte qui joue, mystérieusement, car un pays comme la Chine, de par sa puissance économique, pourrait tout à fait se contenter d’une attitude cynique », nous confiait Jean Ziegler, conseiller du CDH, dans un entretien il y a quelques jours. Les Etats sont aussi de plus en plus soucieux de soft power et ils ont intérêt à gérer autant que possible les dégâts d’image.

Genève est à bien des égards la capitale des droits humains. Mais elle ne le clame pas. Elle est dans l’agir discret et efficace, les bons offices bienveillants et décisifs. Contrairement à d’autres capitales, heureuses de se décréter incontournables à la moindre conférence. Les passes d’armes des premiers jours vont compliquer le travail du Conseil, mais elles vont aussi donner à l’institution installée à Genève un nouveau souffle et un regain d’intérêt.

André Crettenand