Dominik Stillhart: „L'Afghanistan est face à une crise extrêmement grave” — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Dominik Stillhart: Oui, je suis vraiment en colère. Dans le sud de l’Afghanistan, le taux de malnutrition a augmenté de 30% depuis l’an dernier. Très honnêtement, c’est très difficile d’être dans un hôpital, de voir tous ces enfants dans un pays où la disponibilité de nourriture est plus ou moins normale. L’Afghanistan est face à une crise extrêmement grave.

Avez-vous été surpris de la vitesse à laquelle cette crise s’est installée?

Oui. Depuis le départ des troupes internationales, l’aide bilatérale qui couvrait 80% du budget de l’Afghanistan a été supendue. Tous les employés qui travaillent dans les secteurs de la santé, de l’éducation ou de l’eau n’ont pas reçu un seul salaire depuis le mois d’août. Ce sont des gens qui ont besoin d’argent pour mettre de la nourriture dans les assiettes de leur famille, qui n’ont tout simplement plus d’argent. Le désespoir est palpable. Ces gens qui depuis quarante ans n’ont vu rien d’autre que des conflits et de la violence sont face à la pire crise qu’ils ont connue.

Faut-il alors travailler au plus vite avec les talibans?

Il faut trouver des solutions pour maintenir les services de base dans les secteurs de la santé, de l’eau et si possible de l’éducation. Il y a des possibilités. Le CICR a, par exemple, commencé cette semaine à soutenir dix-huit hôpitaux. Nous payons des salaires de 5100 employés et les coûts de fonctionnement directement aux hôpitaux, sans passer par le ministère de la Santé. Il faut pour cela que les donateurs soient prêts à prendre un peu plus de risques pour sauver les Afghans.

Le CICR parle d’une catastrophe humanitaire « évitable ». La communauté internationale n’en fait donc pas assez….

La communauté internationale est très généreuse en ce qui concerne l’aide humnaitaire. Mais penser que les humanitaires peuvent remplacer les services de base dans les 2300 centres de santé primaire et la douzaine d’hôpitaux, c’est une illussion. Ce qui est nécessaire, c’est un engagement de la communauté internationale pour maintenir ces services de base. Car s’ils ne sont pas maintenus, on va droit dans le mur. (…) On n’a pas beaucoup de temps. C’est maintenant qu’il faut agir.

Voir aussi le l’émission Geopolitis sur l’Afghanistan: Afghanistan, la crise humanitaire sous les talibans

Propos recueillis par Raphaël Grand/vajo