Dissidents politiques sous les verrous après les manifestations à Cuba — Genève Vision, un nouveau point de vue

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« Le 11 juillet, il n’y a pas eu une explosion sociale à Cuba. Il n’y en a pas eu en raison de la volonté de notre peuple et de son soutien à la Révolution et à son gouvernement », a déclaré le ministre des Affaires étrangères Bruno Rodriguez, estimant qu’il s’agissait de « désordres à une échelle très limitée » et assurant que le pays était « en conditions totalement normales ».

Comme le président Miguel Diaz-Canel avant lui, Bruno Rodriguez a accusé Washington d’être à l’origine, via sa politique de sanctions et une campagne sur internet, des manifestations inédites qui ont éclaté dimanche sur l’île socialiste dans une quarantaine de villes et villages aux cris de « Nous avons faim », « Liberté » et « A bas la dictature ».

Lire à ce sujet: Cuba secoué par des manifestations inédites contre le gouvernement

Opposants politiques et journaliste détenus

Mardi, quelque 130 personnes étaient emprisonnées ou signalées comme disparues, selon une liste nominative publiée sur Twitter par le mouvement contestataire San Isidro. Parmi les personnes détenues se trouvent José Daniel Ferrer, Manuel Cuesta Morua et Berta Soler, trois des principaux dissidents du pays, ainsi que Camila Acosta, une Cubaine de 28 ans, selon le journal madrilène ABC, avec lequel elle collaborait depuis six mois.

« Arrêter une journaliste d’un média espagnol, ABC, me semble inapproprié », a réagi le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, qui a appelé La Havane à respecter le droit des Cubains à « manifester librement ». Une youtubeuse, Dina Stars, a également été arrêtée chez elle par la police alors qu’elle parlait en direct dans une émission de télévision espagnole.

Alors qu’aucun chiffre officiel n’a été publié concernant les arrestations, des familles ont tenté mardi d’obtenir dans les commissariats de la capitale des informations sur leurs proches arrêtés.

#ATENCIÓN#13Jul| Listado de detenidos/desaparecidos en desarrollo, tras las protestas pacíficas en #Cuba desde el 11 de julio del 2021. (Imágenes siguen en hilo 1/3) pic.twitter.com/YgYiK85p1A

— Movimiento San Isidro (@Mov_sanisidro) July 13, 2021

Réseau internet mobile toujours coupé

Un calme apparent régnait mardi dans la capitale, toujours sous forte présence policière, militaire et d’agents civils. Mais l’internet mobile, moteur des mobilisations, était toujours coupé. L’observatoire spécialisé Netblocks a signalé des perturbations à Cuba sur les principaux réseaux sociaux et plateformes de communications, comme Whatsapp et Facebook.

« C’est vrai qu’on manque d’internet mobile, mais on manque aussi de médicaments », a simplement répondu Bruno Rodriguez à une question sur ce sujet. Et « je dois dire que Cuba ne va pas renoncer au droit à se défendre ».

Pas d’accueil de migrants cubains aux USA

Washington a appelé au rapide rétablissement de tous les moyens de communication, en ligne et hors ligne. « Fermer les voies d’information (…) ne répond en rien aux besoins et aux aspirations légitimes du peuple cubain », a déclaré le porte-parole du département d’Etat Ned Price. Les Etats-Unis ont indiqué cependant qu’ils ne laisseraient pas entrer les Cubains qui tenteront de fuir par la mer leur pays en crise.

« Je ne crois pas que l’on soit au bord d’une crise bilatérale, à moins que le gouvernement américain ne le veuille », a déclaré Bruno Rodriguez.

afp/vic

Raul Castro sort de sa retraite

Ces manifestations, inédites depuis la révolution de 1959, ont irrité le gouvernement communiste. « Nous éviterons la violence révolutionnaire, mais nous réprimerons la violence contre-révolutionnaire », a mis en garde lundi le président Diaz-Canel.

Plusieurs manifestations de partisans du régime ont d’ailleurs eu lieu dimanche puis lundi, avec des affrontements parfois violents entre les deux camps.

Signe de la gravité de la situation, Raul Castro, 90 ans, qui avait laissé les rênes du Parti communiste en avril à Miguel Diaz-Canel, a dû sortir de sa retraite. Il a participé dimanche à une réunion du Bureau politique du Comité central du parti dans laquelle « ont été analysées les provocations orchestrées par des éléments contre-révolutionnaires, organisés et financés depuis les Etats-Unis avec des objectifs de déstabilisation », a indiqué mardi Granma, le quotidien du Parti communiste cubain.