Deux ans avec sursis pour la secrétaire d'un camp nazi âgée de 97 ans — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Cette condamnation est conforme aux réquisitions du parquet, qui avait souligné la « signification historique exceptionnelle » de ce procès, avec un jugement au caractère avant tout « symbolique ».

La nonagénaire était présente au prononcé du verdict, qu’elle a écouté assise dans sa chaise roulante. Elle ne s’était pas exprimée devant la Cour, sauf durant l’une des toutes dernières audiences, en décembre, où elle avait formulé des regrets. « Je suis désolée pour tout ce qui s’est passé. Je regrette d’avoir été à Stutthof à ce moment-là », avait-elle déclaré.

Elle avait tenté de fuir

Cette ancienne secrétaire est la première femme à être jugée en Allemagne depuis des décennies pour les crimes commis sous les nazis. Elle avait tenté d’échapper à son procès en prenant la fuite le jour de l’ouverture des audiences. Elle avait quitté en taxi son logement dans un foyer pour personnes âgées, mais ne s’était pas présentée au tribunal. Elle avait été retrouvée quelques heures après.

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Agée de 18 à 19 ans au moment des faits, la jeune femme travaillait comme dactylographe et secrétaire du commandant du camp, Paul Werner Hoppe. Elle avait une position « d’une signification essentielle » dans le système inhumain du camp, avait affirmé la procureure Maxi Wantzen dans ses réquisitions.

« L’un des rouages » du système

Selon elle, les crimes commis n’auraient pas été possibles sans le système bureautique dont la secrétaire du camp était l’un des rouages. Elle bénéficiait de la confiance du commandant et avait accès à tous les documents jugés confidentiels.

Ses avocats, eux, avaient réclamé son acquittement, estimant qu’il n’avait pas été prouvé qu’elle avait connaissance des meurtres pratiqués de façon systématique à Stutthof. En raison de son âge au moment des faits, l’accusée était jugée devant une Cour spéciale pour jeunes.

Parler, un devoir

Tout au long du procès, plusieurs survivants ont témoigné, estimant qu’il était de leur devoir de parler, en surmontant leur douleur pour pouvoir le faire. Ils ont vécu dans des conditions désastreuses destinées à les faire mourir à petit feu. La plupart des détenus périssaient de faim, de soif, de maladies comme le typhus ou encore d’épuisement à cause du travail forcé, a raconté la procureure.

Pour exécuter les plus faibles, le camp disposait de chambres à gaz et d’un autre lieu typique de l’Allemagne nazie, où l’on tuait d’un tir dans la nuque la victime en prétextant un examen médical.

Environ 65’000 personnes ont péri à Stutthof, un camp proche de Gdansk (Dantzig à l’époque). Des détenus juifs, des partisans polonais et des prisonniers de guerre soviétiques y ont été systématiquement assassinés.

ats/vic

Très peu de femmes inquiétées jusqu’ici

Trois quarts de siècle après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’Allemagne continue de rechercher d’anciens criminels nazis encore en vie, illustrant la sévérité accrue, quoique tardive, de sa justice. Très peu de femmes impliquées dans les crimes nazis ont été poursuivies. La secrétaire particulière d’Adolf Hitler, Traudl Junge, n’a par exemple jamais été inquiétée jusqu’à sa mort en 2002.

La jurisprudence de la condamnation en 2011 d’un gardien du camp de Sobibor à cinq ans de prison ferme permet désormais de poursuivre pour complicité de dizaines de milliers d’assassinats n’importe quel auxiliaire d’un camp de concentration, du garde au comptable.

En juin, un ancien gardien du camp de concentration de Sachsenhausen (nord de Berlin), âgé de 101 ans, avait lui été condamné à cinq ans de prison.

Plus de détails dans notre article: A 101 ans, un ancien gardien de camp nazi est condamné à la prison