Désir de démocratie — Genève Vision, un nouveau point de vue

0

L’invasion du 24 février fut un choc et une révélation. Une apocalypse : le début de la calamité, et un dévoilement. « Il faut toujours que des millions d’heures oisives s’écoulent dans le monde avant que n’apparaisse une heure d’une réelle importance historique », disait Stefan Zweig. Le 24 février 2022 en fait partie.

L’Ukraine va-t-elle tenir ? Le pays paie un tribut de plus en plus lourd. La population civile est prise comme cible directe. Elle est victime de crimes de guerre. Le courage et la volonté qu’elle a manifestés ces derniers mois laissent penser qu’elle n’est pas près de céder. Et le pari de Poutine de priver les Ukrainiens d’eau et d’électricité n’a pas réussi à les abattre. L’opinion publique en Europe semble plus fluctuante. Le coût de la vie et la peur des coupures d’électricité effraient les Européens. Un coup de froid et un rhume pourraient vite les faire craquer. Poutine y compte bien.

Les alliés continueront-ils à soutenir l’Ukraine ? Les décisions des dernières semaines tendent à le prouver. L’aide américaine ne faiblit pas, au contraire, elle augmente en puissance. L’arrivée majoritaire des Républicains à la Chambre des représentants ne change pas la donne. La France, elle, va livrer des chars. La guerre sera longue. On nous prédit le gel du front, mais cette guerre nous a déjà surpris par des développements inattendus. Qui sait ce que le Kremlin nous réserve encore ? Nous apprenons la guerre hybride.

Une année 2023 où les questions demeurent nombreuses, les réponses difficiles, les meilleurs vœux incertains. Poutine va-t-il pouvoir se maintenir au pouvoir ? Même s’il ne faut pas s’illusionner sur celui qui le remplacerait. Les sanctions vont-elles produire plus d’effets ? Les avis sont partagés.

Ce qui se joue en Ukraine, c’est son indépendance, mais c’est aussi le sort de la démocratie en Europe. L’enjeu est crucial, même si beaucoup ne voient dans cette guerre que l’affrontement stratégique de deux mondes et la défense d’intérêts économiques. Ils se perdent dans la quête stérile des responsabilités passées et des actes manqués, ils oublient que le destin des Ukrainiens est ce qui importe avant tout.

Une démocratie chahutée en ce début d’année au Brésil, comme elle le fut au début de l’année dernière à Washington. Mais on voit aussi des autocrates contestés, ou en mauvaise posture, en Iran, en Chine, en Russie, voire en Turquie.

On se surprend à faire des vœux, malgré tout, à imaginer le meilleur, à rêver, et cela fait du bien.

André Crettenand