Des Chiliens adoptés de force en Suède sous Pinochet en quête de vérité — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Ces adoptés savent qu’ils viennent du Chili, mais bien peu connaissent les conditions réelles de leur arrivée. L’identité affichée de leurs parents biologiques est souvent fausse ou tronquée. Ces derniers ont par ailleurs souvent dû céder à des chantages et des pressions.

« A l’hôpital, on disait à la mère que l’enfant était mort, mais sans montrer le corps ni donner aucun papier », explique dans l’émission Tout un monde Marisol Rodriguez, de l’association chilienne Fils et mères du silence.

« A des mères très jeunes, vulnérables, on leur disait qu’elles n’allaient pas être capables d’élever leur enfant. Et le plus terrible, c’est quand les gendarmes arrivaient dans un village pauvre et, avec l’aide d’assistantes sociales, prenaient tous les bébés. »

Faire la lumière sur le drame

Le Chili, surtout depuis l’arrivée au pouvoir du président de gauche Gabriel Boric, a décidé de faire la lumière sur ces drames. Une enquête judiciaire est actuellement en cours.

« Dans ces affaires, on voit les noms des mêmes assistantes sociales, avocats et juges, qui se répètent au fil des années. Nous suivons aujourd’hui 802 dossiers, qui concernent 25 pays », détaille le sous-commissaire Mario Vasquez.

Ces enfants adoptés illégalement ont souvent une existence légale au Chili, comme s’ils n’étaient jamais partis. L’ambassade à Stockholm est donc également mobilisée, par l’intermédiaire de sa consule Anna Saldillas.

Position ambiguë de la Suède

En Suède, la position des autorités est en revanche beaucoup plus ambiguë. Le gouvernement a lancé fin 2021 une commission d’enquête, mais en y intégrant l’association suédoise Adoption centrum, très active à l’époque. Pour certains, elle aurait contribué à entretenir ce réseau corrompu qui vendait les enfants chiliens dans le monde entier.

Adoption Centrum se défend en rappelant qu’elle ne peut pas être tenue pour responsable des pratiques des autorités chiliennes. Elle indique que seules 117 adoptions faites en Suède sont concernées par l’enquête judiciaire menée au Chili et que le problème se pose dans d’autres pays, notamment la France, où de nombreux enfants chiliens ont été adoptés.

Informer les adoptés

Cela ne convainc pas Maria Diemar, l’organisatrice du congrès. « Adoption centrum a géré 30’000 adoptions, soit la moitié de toutes les adoptions faites en Suède. Ils existent toujours. Les médias, les gens en général les considèrent comme s’ils étaient une autorité administrative mais ils ne le sont pas, c’est une organisation privée. »

« Ils font partie du groupe d’experts de cette enquête gouvernementale sur l’adoption internationale. C’est quand même rare de voir le supposé auteur d’un délit faire partie des enquêteurs. »

Maria Diemar demande aujourd’hui que tous les adoptés venus du Chili soient contactés, informés de l’existence de ces enquêtes, et des doutes qui pèsent sur leur adoption.

Frédéric Faux/asch