De deux choses lune — Genève Vision, un nouveau point de vue

0

C’est que la tentation est grande de quitter la planète que nous avons saccagée, et de fuir. Quand on ne pourra plus du tout vivre sur Terre, qui sait, il y a peut-être là-haut un lopin de terre, une île, un paradis, où nous pourrions recommencer. Apprend-on vraiment de ses erreurs ? On sait que la Lune recèle des minerais enviables et rares qui suscitent déjà bien des convoitises. Ce que l’on sait moins, c’est que des centaines de missions lunaires ont été annoncées par des pays et des entreprises privées. La Chine, la Russie, l’Inde, jugent tous que leur ambition géopolitique comprend l’espace et qu’elle exige la conquête de la Lune.

La Lune n’appartenant à personne, on doit s’attendre à des guerres coloniales. Les juristes phosphorent déjà sur la carte des territoires. Mais il serait étonnant que les humains se comportent différemment là-haut qu’ici-bas.

La Lune n’est pas la destination finale. C’est bien plus loin que l’ambition des hommes les porte, sur Mars, puis dans l’infini, et au-delà.

La formidable expédition n’est pas vertueuse, ni sans arrière-pensées. Peut-être est-ce la raison des hésitations d’Artémis. Alors qu’Apollo 11 donne aujourd’hui le sentiment d’une promenade facile, conduite par des ordinateurs gros comme des camions – le souvenir n’en retient que l’exploit – la déesse, toute puissante, elle, fait désormais la fine bouche malgré les microprocesseurs les plus sophistiqués. Elle rechigne à lancer ses flèches. Elle joue la fuite. Elle prend son temps.

Ce vol d’essai embarque des mannequins en guise d’astronautes. Il y a quelques semaines, Elon Musk envoyait dans l’espace des astronautes amateurs pour un petit tour, et puis retour. La télévision nous a d’ailleurs montré opportunément juste à côté du pas de tir, la rampe de lancement d’Elon Musk, déjà érigée, et qui semble toiser la fusée de la NASA. Le milliardaire astucieux construit ce qu’il appelle des « ports spatiaux », un peu partout dans le monde.

Mais les tergiversations d’Artémis ont introduit le doute dans nos esprits. Nous serions donc bien condamnés à rester ficelés à notre rocher comme Prométhée, à voir notre foie dévoré inlassablement. Brûlés par le réchauffement.

« De deux choses lune, l’autre c’est le soleil », chantait joliment Prévert.

André Crettenand