Les trois principaux accusés de l’assassinat de l’ex-président du Burkina Faso Thomas Sankara en 1987 ont été condamnés mercredi à la prison à perpétuité par le tribunal militaire de Ouagadougou. Parmi eux figure l’ancien chef de l’Etat Blaise Compaoré.
Outre Blaise Compaoré, les deux autres condamnés à la prison à vie sont le commandant de la garde de Thomas Sankara à l’époque des faits, Hyacinthe Kafando, et le général Gilbert Diendéré, un des chefs de l’armée du Burkina Faso lors du putsch de 1987.
Le journal horaire / 14h. / 33 sec. / 06.04.2022
Le général Diendéré purge déjà une peine de 20 ans de prison pour sa participation à une tentative de coup d’Etat en 2015, un an après la chute de Blaise Compaoré suite à une insurrection populaire.
Blaise Compaoré, en exil en Côte d’Ivoire depuis sa chute, et Hyacinthe Kafando, en fuite depuis 2016, étaient les grands absents de ce procès fleuve qui avait débuté il y a six mois.
Les trois hommes sont condamnés pour « attentat à la sûreté de l’Etat ». Blaise Compaoré et Gilbert Diendéré sont également reconnus coupables de « complicité d’assassinat » et Hyacinthe Kafando, soupçonné d’avoir mené le commando qui a tué Thomas Sankara, d' »assassinat ». Ils ont quinze jours pour faire appel de ces lourdes sentences.
Les juges sont allés au-delà des réquisitions du Parquet militaire, qui avait demandé des peines de 30 ans et 20 ans de prison.
« Le juge a donné son verdict selon la loi et tout le monde apprécie », s’est réjouie la veuve du président assassiné, Mariam Sankara, présente presque tout au long du procès. « C’est quelque chose qu’on a demandé, la justice et la vérité », a-t-elle ajouté en affirmant: « Notre but, c’était que les violences politiques qu’il y a au Burkina finissent. Ce verdict va donner à réfléchir à beaucoup de personnes ».
L’avocat de la famille Sankara, Guy Hervé Kam, a également fait part de son « sentiment de satisfaction ». « Aujourd’hui, je peux dire que je suis fier d’être Burkinabè et avocat. Je suis fier de voir l’aboutissement d’un combat judiciaire de près de 30 ans », a-t-il ajouté.
Le défenseur du général Diendéré a en revanche jugé la condamnation de son client à la perpétuité, « excessive ». « En étant accusé présent, il a la même peine que ceux qui était absents. Ce qui n’est pas tout à fait juste car il est venu apporter sa contribution », a-t-il relevé.
Huit autres accusés ont été condamnés à des peines allant de trois ans à vingt ans de prison. Trois accusés, enfin, ont été acquittés.
Ce procès historique s’était ouvert en octobre 2021, 34 ans après la mort de Sankara, icône panafricaine, assassiné lors d’un coup d’Etat qui a porté au pouvoir Blaise Compaoré.
Lire: Au Burkina Faso, ouverture du procès de l’assassinat du président Sankara
afp/oang
Un sujet tabou pendant 27 ans au Burkina Faso
Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1983, Thomas Sankara a été tué avec douze de ses compagnons par un commando lors d’une réunion au siège du Conseil national de la révolution (CNR) à Ouagadougou. Il avait 37 ans.
La mort de Thomas Sankara, qui voulait « décoloniser les mentalités » et bouleverser l’ordre mondial en prenant la défense des pauvres et des opprimés, a été un sujet tabou pendant les 27 ans de pouvoir de Blaise Compaoré, contraint de partir après une insurrection populaire en 2014.
Procès perturbé par le putsch de février
Le procès a été perturbé par le coup d’Etat mené le 24 février dernier par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui a renversé le président élu Roch Marc Christian Kaboré.
Il a été une première fois suspendu au lendemain du putsch, puis le 31 janvier, « jusqu’au rétablissement de la Constitution » mise en sommeil lors du coup d’Etat, puis rétablie par la junte au pouvoir, permettant sa reprise.
Mais de nouvelles interruptions sont intervenues, dont une à la suite de la prestation de serment de Sandaogo Damiba devant le Conseil constitutionnel, le 16 février.