Comment une demi-tonne de cocaïne s'est retrouvée chez Nespresso — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Sans surprise, la drogue retrouvée chez Nespresso est passée par le port d’Anvers. Pour rappel, le lundi 2 mai, des sacs remplis de cocaïne terminent dans l’usine Nespresso à Romont. Selon une source interne, la ligne de production automatique s est stoppée. Des employés ont découvert de la poudre de blanche à la place du café livré. Le service de communication de Nespresso indique que la drogue « n’est entrée en contact avec aucun des produits ou équipements de production utilisés pour fabriquer les produits Nespresso. »

Le port d’Anvers est l’un des plus grands du monde. [Francois Lenoir – Reuters]

Lire: Une demi-tonne de cocaïne saisie à sa livraison à l’usine Nespresso de Romont

Alerté par les employés de Nespresso, la police fribourgeoise, aidée par une vingtaine d’agents des douanes, découvre un total de 20 sacs de 25 kilos de cocaïne. Des pains de cocaïne dissimulés dans des sacs de café du Brésil. Au total, les inspecteurs saisissent une demi-tonne. Cette quantité de cocaïne est plus élevée que la consommation annuelle du canton de Vaud. La pureté de la drogue est très élevée, autour des 80% et d’une valeur à la vente de 50 millions de francs suisses.

Piste du réseau fribourgeois peu probable

Pour Ramon Mooser, chef de la brigade des stupéfiants, toutes les hypothèses sont étudiées. L’enquête ne fait que commencer, mais la piste du réseau fribourgeois semble peu probable. Selon plusieurs experts rencontrés, la grande quantité de drogue et le mode opératoire laissent penser que les 500 kilos de cocaïne devaient être récupérés bien avant l’usine Nespresso par un groupe criminel opérant au niveau européen.

Lire: Cocaïne saisie à Romont (FR): la police privilégie la piste de l’erreur de livraison

Le port de Santos, au Brésil, est le plus grand port à containers d’Amérique latine. [Fernando Donasci – Reuters]

Pour remonter la trace du réseau criminel et comprendre pourquoi la drogue est arrivée à Romont, il faut refaire la route des containers de café. La police a inspecté cinq containers arrivés le même jour du Brésil, dont celui qui contenait la drogue. Mise au Point a pu déterminer le numéro d’identification d’un de ces cinq containers, ce qui permet d’en retracer le parcours.

Départ du Brésil le 21 mars

Le 21 mars, les containers sont partis du Brésil du port de Santos. Ils ont été chargés sur le bateau Cap San Maleas, un géant des mers capable de transporter 9600 containers par traversée. La trajet en mer a duré 24 jours. Le bateau rejoint Anvers mi-avril. C’est là que les containers de Nespresso sont déchargés, puis transportés jusqu’en Suisse. C’est à Anvers que le container de Nespresso contenant de la drogue aurait dû être volé. Un vol de container qui a mal tourné. C’est du moins la théorie avancée par Paul Meyer, un des trafiquants les plus célèbres de Belgique.

Paul Meyer, ancien trafiquant

Paul Meyer et ses complices ont été surnommés par la presse belge comme la « bande au 700 millions », en référence à la valeur de la drogue et des affaires réalisées par de la contrebande dans le port d’Anvers. L’homme a fait sept ans de prison. Il est sorti en 2019. Depuis, il explique avoir changé de vie, tout en restant actif dans les affaires d’import-export, mais légales. Il accepte de rencontrer Mise au Point pour donner son opinion sur l’affaire de Nespresso.

À l’insu des propriétaires du café

« 500 kilos de cocaïne importés du Brésil, ce sont clairement des professionnels. Tu dois avoir une grosse organisation derrière ». Pour cet ancien contrebandier, la drogue a probablement été cachée au Brésil dans un container à l’insu des propriétaires du café. Puis des complices devaient la récupérer à Anvers. « Tu dois récupérer le container entier, tu ne peux pas simplement venir la nuit pour prendre la drogue dans le container. Trop lourd, trop visible. »

Dans son ancienne vie, Paul Meyer a organisé ce type d’opérations pendant des années. Il a importé des centaines de kilos de drogue par le port. Pour lui, le container de Nespresso aurait dû disparaître à Anvers. Il suffit de quelques complices chez les dockers, à l’administration et un chauffeur pour récupérer le container. Si tout s’était bien passé, Nespresso aurait simplement dû constater la perte d’un container, sans savoir que le container avait été utilisé pour transporter de la drogue.

« Un problème a dû survenir, une erreur de livraison, un problème avec le chauffeur. Impossible de le dire, mais quelqu’un va devoir payer pour cette erreur. » Pour l’instant, aucune personne n’a été arrêtée et l’enquête est toujours en cours. En Belgique, la douane a déjà saisi près de 90 tonnes de drogue dans le port l’année dernière.

François Ruchti, avec l’aide de Tybalt Felix