Christophe Deloire: „Les plateformes numériques ont remplacé le Parlement et la Justice” — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Dans son ouvrage, il soutient que si le débat public était autrefois encadré par des régulations transparentes, il est aujourd’hui dirigé par les algorithmes. Or, ces codes informatiques sont développés dans une logique marchande, répondant à des intérêts privés.

Danger pour la démocratie

Pour Christophe Deloire, ce système fragilise les démocraties de l’intérieur et favorise les régimes autoritaires. « Les plateformes donnent un avantage compétitif à l’extrémisme et au complotisme par rapport à l’information scientifique et journalistique », explique l’ancien journaliste.

Il existe aussi une asymétrie entre des régimes autoritaires qui peuvent mener des offensives de propagandes médiatiques et les sociétés ouvertes sans défenses, victimes de ces guerres de l’information. « Il y a une concurrence déloyale au profit des régimes autoritaires ». déplore l’auteur.

Selon lui, un « coup d’État » a déjà eu lieu durant les vingt dernières années lorsque que les citoyens ont laissé les plateformes numériques imposer leur modèle.

Régulation internationale

Christophe Deloire appelle les gouvernements à reprendre le contrôle du système d’organisation algorithmique.

L’un des grands enjeux concerne la capacité du gouvernement de Joe Biden à s’imposer face aux plateformes. En décembre, le président américain a organisé un sommet sur la démocratie. Les géants du numérique en étaient exclus.

L’Union européenne, de son côté, finalise ces jours deux législations sur les services numériques. Le directeur de RSF salue ces avancées mais les trouvent insuffisantes.

A ce sujet:  L’Union européenne trouve un accord pour encadrer les géants du numérique

Agir avant qu’il ne soit trop tard

Le livre évoque une nouvelle menace: le développement des technologies blockchain dans l’information. Aujourd’hui, on sait qui est aux commandes des grands groupes comme Meta ou Google et il est donc possible de les tenir responsables. Cela ne serait plus le cas dans un système d’information plus décentralisé. Pour Christophe Deloire, il faut agir immédiatement pour éviter d’avoir plusieurs décennies de retard.

Selon l’auteur, le monde a pris conscience qu’il faut imposer des responsabilités aux plateformes numériques. « La question est lesquelles et avec quelle intensité ».

Propos recueillis par Antoine Droux / Adaptation web: Juliette Jeannet

« La Matrice », par Christophe Deloire, édition Calmann Lévy, 396 p.

Obama appelle à réguler les réseaux sociaux

L’ancien président américain Barack Obama a prononcé jeudi un discours où il a accusé les grandes plateformes d’avoir largement amplifié « les pires instincts de l’humanité ».

Le leader démocrate a reconnu qu’il n’aurait « peut-être pas été élu » sans des sites comme MySpace ou Facebook, et a évoqué le travail bénéfique de sensibilisation et de mobilisation réalisé par des militants dans le monde entier, via les réseaux.

Mais il a surtout détaillé le revers du succès de Facebook ou YouTube, dont le modèle économique – la publicité ciblée à grande échelle – repose sur l’économie de l’attention. « Malheureusement, ce sont les contenus inflammatoires, polarisants qui attirent l’attention et encouragent la participation » des utilisateurs, a-t-il noté.

Pour Barack Obama, le profond changement dans nos façons de communiquer et de nous informer est l’une des causes majeures de l’affaiblissement des démocraties. Il appelle à une réforme des lois qui gouvernent les réseaux sociaux, pour qu’ils soient plus responsables et plus transparents.