Chine, la volonté de puissance — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Un univers étrange donc qui contraste avec les images habituelles d’une économie triomphante, d’un pays victorieux du Covid-19, affichant des taux de croissance impressionnants, et riche d’un savoir-faire industriel toujours plus sophistiqué.

La Chine est la nouvelle menace que l’Amérique désigne et nous propose. C’est en tout cas un formidable affrontement qui se met en place, lentement mais sûrement, comme des plaques tectoniques dont les tensions, d’abord imperceptibles, provoquent au final de terribles secousses. Les « bisbilles » avec la Russie, en comparaison, semblent d’ennuyeux épiphénomènes. On voit un Joe Biden désireux de compromis avec tous les « méchants » de la planète, mais la Chine ne fait pas encore partie de la liste. Elle est à part. Trop puissante déjà, sans doute, menaçant la suprématie des Etats-Unis. Un crime en soi, une ambition impardonnable.

L’Assemblée nationale populaire ne donne pas seulement à voir, elle dessine l’avenir. Il vaut la peine d’écouter le discours de Xi Jinping et les objectifs qu’il fixe aux 3000 délégués du Parti unique.

L’économie d’abord, la grande affaire. La suprématie se mesure en points de PIB et la Chine les engrange inexorablement. Xi lance un défi à l’Amérique, et annonce vouloir lui ravir la première place à coups de plans quinquennaux et il est assez sûr de lui, car il sait qu’au rythme actuel, il s’emparera bientôt de cette première place tant convoitée. Charge aux délégués de suppléer les faiblesses actuelles de l’économie dont le manque de puces électroniques performantes si cruciales dans les nouvelles technologies. La Chine est aussi, on l’oublie, dépendante de la bonne santé de l’économie mondiale. Et si elle peut compter sur 1,4 milliard d’habitants, la démographie pourrait aussi faiblir dans les années à venir.

Le militaire ensuite. Le plan quinquennal prévoit un budget en hausse, pas encore au niveau américain, mais bien en progression constante, ce qui nourrit l’inquiétude, car on connaît le souhait chinois de récupérer Taïwan. L’île est un enjeu stratégique et la terre de tous les dangers. La Chine se projette déjà plus loin, plus haut, vers la Lune et vers Mars, la planète lui étant déjà trop exiguë. Elle vient de conclure un partenariat avec la Russie pour réussir son ambition spatiale, formant de fait une sorte de ligue anti-occidentale.

Sur le plan politique, Xi construit un régime de plus en plus autoritaire. Il contrôle les réseaux sociaux. Il met au pas Hong Kong. Il exclut de changer sa politique dans le Xinjiang et nie les exactions contre les Ouïghours. Il réécrit les droits humains, répondant ainsi aux Occidentaux qui le critiquent sur ce terrain. Le niveau de vie, la réussite économique, sont plus essentiels que la liberté. Il s’agit de faire le bonheur des gens malgré eux. La démocratie ne fait pas partie de ce projet de vie. La vérité ne se partage pas, elle s’impose.

On sait tout cela. Et les assemblées du passé ont à chaque fois donné lieu à des discours de triomphe et des ambitions renouvelées. Ce qui frappe, en 2021, c’est le sentiment d’un besoin d’accélération, si peu asiatique au fond, et de l’envie que la suprématie advienne plus vite que prévu. Xi Jinping serait un impatient. Ou alors, c’est que nous y sommes plus sensibles, et avec raison.

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