Joe Biden en veut encore. A 80 ans, il annonce sa candidature à sa réélection en 2024. S’il est réélu, il terminera son mandat à 86 ans. Certes, cela ne ferait pas de lui le chef d’état le plus âgé. Presque un jeunot comparé au Camerounais Paul Biya, 90 ans, à Mahmoud Abbas et au roi Salmane d’Arabie Saoudite, 87 ans tous les deux. Face à lui, il retrouvera peut-être Donald Trump, 78 ans l’année prochaine, si la justice ne l’empêche pas de se présenter d’ici-là. Leur plus fidèle allié, le prince Charles, n’est pas non plus un perdreau de l’année, 74 ans. Et il compte bien rester sur le trône aussi longtemps que sa mère. Qu’importe. Joe l’endormi comme le caricaturait Trump veut finir le job, il se reposera plus tard, même si sa démarche chancelante, son élocution hésitante, ses gaffes à répétition appellent plutôt la chaise longue que le « resolute desk »du bureau ovale. Mais ce bureau, sous lequel se cachait le petit John-John Kennedy, avait été offert par la reine Victoria, dont le règne de 64 ans est symbole de longévité…
Las, les Américains, à 70% dont 51% d’électeurs démocrates, ne souhaitent pas voir Biden rempiler, malgré un bilan solide, une économie remusclée, des plans financiers colossaux en faveur des infrastructures et de la transition énergétique. Sa chute à vélo l’été dernier n’y est pas pour rien. Et pourtant, si l’on excepte la catastrophique débandade américaine de Kaboul, Joe Biden, fort de sa très longue expérience au plus haut niveau de la politique internationale, tient plutôt bien la route dans les turbulences planétaires – on l’a vu lors de son long voyage en train à Kiev qui ne manquait pas de panache – et face à Poutine et Xi Jinping. Deux septuagénaires qui entendent eux aussi prolonger le bail. Comme ce sont des dictateurs, ils resteront au pouvoir selon leur bon plaisir…
Le président Joe Biden en discussion dans le bureau ovale, à la Maison-Blanche, à Washington, avec Justin J. Pearson et la vice-présidente Kamala Harris. Justin J. Pearson est l’un des trois élus démocrates de la Chambre des Représentants du Tennessee qui ont été exclus de celle-ci après avoir manifesté contre le port d’armes à feu.
Pour les dirigeants masculins, s’incruster est une évidence. En revanche, côté féminin, le tableau reste sombre,même s’il y a des progrès, avec seulement 36 femmes dirigeant un des 193 états de la planète, hors monarchie. Jessica Ardern, Sana Marin, ou encore Nicola Sturgeon: toutes ont dû quitter le pouvoir. La première ministre finlandaise, élue à 34 ans et qui était la plus jeune dirigeante de la planète, a été battue par une coalition de droite et d’extrême-droite lors des dernières élections, alors que son bilan était plutôt favorable. Quand la vidéo de Biden à vélo faisait le buzz pour s’apitoyer ou se moquer, celle où on la voyait danser à cœur joie déclenchait la polémique, comme si une jeune femme première ministre n’avait pas le droit de faire la fête entre amis.
Pour Jessica Ardern, première ministre néo-zélandaise et Nicola Sturgeon, première ministre écossaise, toutes deux femmes de tête et à poigne, c’est l’usure du pouvoir qui a eu raison de leur enthousiasme. Elles ont toutes deux choisi de démissionner. « Je n’ai tout simplement plus assez d’énergie » a humblement admis Jessica Ardern, une phrase que n’aurait jamais prononcé un homme de pouvoir. Nicola Sturgeon elle aussi a dit en avoir assez, alors qu’elle portait avec foi le projet indépendantiste. A ces femmes revendiquant d’être « humaines », certains opposeront les inusables dames de fer, Thatcher, Merkel, Indira Gandhi ou Golda Meir…
Mais si l’on revient aux Etats-Unis, ce pays dirigé par de vieux mâles blancs à l’exception notable d’Obama, il y a bien une femme de pouvoir. Elle s’appelle Kamala Harris, pour ceux qui l’auraient oubliée. Elle est vice-présidente des Etats-Unis et dans un deal plus ou moins explicite, Biden ne devait faire qu’un mandat et lui laisser la place ensuite. Mais voilà, même si elle ne commet pas d’erreurs, elle est inexistante. Elle n’imprime pas. Même l’équipe de Biden ne semble pas croire à ses compétences politiques, selon le Financial Times. Cela dit, un éventuel second mandat de Biden lui donnerait de grandes chances de devenir présidente, s’il démissionnait pour raisons de santé…
Jean-Philippe Schaller