Birmanie: que faire? — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Que faire ?

J’y pensais en regardant l’interview que nous a accordé Elisabeth Decrey Warner il y a quelques jours. La militante de la paix a lancé une action de parrainage, associant des personnalités d’ici, essentiellement des parlementaires, à des manifestants là-bas, à Rangoun. Sur un mode d’avertissement aux militaires : « Si vous touchez à ce jeune homme ou à cette jeune femme, c’est à moi aussi que vous vous en prenez ». Un badge à la poitrine affichant le nom d’un parrain ou d’une marraine suisse, c’est « l’armure » imaginée par Elisabeth Decrey Warner.

La proposition est modeste, mais la militante est résolue et consciente de l’immensité de la tâche. Certains parleront de naïveté. Comme si les militaires qui tiraient à balles réelles avaient de ces pudeurs.

La proposition a déjà le mérite d’attirer notre attention sur une Birmanie qui commence à s’estomper sur nos radars et qui est condamnée, de fait, à un tragique isolement. Le geste est plus puissant qu’on ne le croit. « La Suisse a un peu perdu de cette image de pays qui peut offrir ses services », dit Elisabeth Decrey Warner, en forme de regret. La Suisse serait impuissante, en l’état, elle qui a aidé à la résolution de tant de crises et de conflits.

L’esprit de Genève

La Genève internationale a beaucoup investi dans la résolution des conflits et les techniques de négociation. Le droit et la géopolitique, l’expérience du terrain et l’écriture des procédures. Cela n’interdit pas les symboles qui renouent avec l’esprit de Genève. L’initiative citoyenne est peut-être symbolique mais l’engagement, la solidarité, le refus de se taire, sont des valeurs qu’il vaut toujours la peine de défendre et de proclamer. A sa manière, Elisabeth Decrey Warner nous le suggère.

Au passage, nous devrions nous interroger sur l’intérêt de la Suisse à faire partie de ce Conseil de sécurité dont les blocages se succèdent comme autant de lâchetés. L’élection de Joe Biden a bien acté le retour du multilatéralisme dans les relations internationales, mais les puissances dictent toujours leur loi. La Birmanie est sans doute promise à la guerre civile et à l’affrontement des ethnies rebelles.

Impossible d’évoquer la Birmanie sans parler d’Aung San Suu Kyi, la figure contrastée. Si admirée, célébrée, auréolée d’un prix Nobel de la paix. A nouveau prisonnière, à nouveau victime d’un régime, elle qui ne voulut pas se distancer des militaires bourreaux et de leurs exactions envers les Rohingyas. La faute nous interdit de la louer encore.

Que faire ?

Les ONG brandissent l’arme économique. Elles pointent du doigt les multinationales qui font affaire avec les entreprises contrôlées par les militaires. Elles les enjoignent de se retirer des marchés liés à la junte. Leur appel porte. Comme le montre la polémique qui naît en France sur l’attitude de la compagnie Total. En Suisse aussi, on interpelle.

Saint-Augustin a dit quelque part que l’ombre du mal rendait plus resplendissante la lumière du bien. Je veux croire en la parole augustine, je veux espérer qu’elle soit vraie et opérante.

André Crettenand