Beaucoup de questions, peu de réponses, le bilan de Michelle Bachelet en Chine interroge — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Interrogée sur le bilan de son voyage lors d’une conférence de presse organisée samedi, peu avant son départ de Chine, Michelle Bachelet a précisé plusieurs fois que sa mission n’était en aucun cas une enquête. Une manière pour elle de justifier l’absence de résultats concrets sur le terrain.

Les autorités chinoises avaient en effet prévenu: pour avoir lieu, la visite de la Haut-Commissaire devait se dérouler dans un esprit cordial et de dialogue et ne pas prendre la forme d’une investigation.

Une prison, mais pas d’Ouïghours

Michelle Bachelet a bien visité une prison. Mais de son propre aveu, il ne s’agissait pas d’un établissement enfermant des Ouïghours reconnus coupables de terrorisme ou de crimes politiques, des accusations habituellement invoquées par les autorités pour justifier la détention d’individus issus des minorités au Xinjiang. Elle n’a pas non plus eu accès à un camp d’internement: les autorités chinoises lui ont expliqué que les « centres de formation professionnelle » avaient été démantelés courant 2019.

Face aux médias internationaux, la Haut-Commissaire a déclaré ne pas être en mesure d’évaluer l’ampleur réelle du réseau de « centres de formation professionnelle », mais a assuré avoir exhorté le pouvoir à revoir sa politique régionale de manière à éviter les mesures arbitraires et à faire preuve de plus de transparence dans la mise en œuvre de la « lutte contre le terrorisme ».

Un voyage en circuit fermé

Interrogée sur le degré d’autonomie et de liberté dont elle a bénéficié lors de sa visite, Michelle Bachelet a reconnu les limites imposées par les mesures sanitaires drastiques. Afin de lui éviter les désagréments d’une quarantaine obligatoire de 14 jours imposée à quiconque entre aujourd’hui en Chine, la haut-représentante onusienne a évolué en circuit fermé tout au long de son séjour.

Outre des déplacements soigneusement préparés, tous les individus franchissant le dispositif sanitaire ont ensuite été confinés. « Evidemment, il y a eu des contraintes liées à cette bulle. Nous avons pu rencontrer certaines personnes, pas tout le monde. Mais les personnes auxquelles nous nous sommes adressées n’étaient soumises à aucune supervision », a expliqué la Chilienne.

Les défenseurs des droits humains indignés

Au terme d’une conférence de presse chronométrée, au cours de laquelle la Haut-Commissaire s’est montrée vague, parfois même empruntée, de nombreux défenseurs des droits humains ont fustigé sa retenue, l’accusant de n’avoir pas su tenir tête à la Chine.

Sur son compte Twitter, Luke de Pulford, coordinateur de l’Alliance interparlementaire sur la Chine, lui reproche d’avoir laissé Pékin se servir du Covid comme prétexte à davantage de contrôle, donnant lieu au final à une « visite Potemkin ».

Il l’accuse en outre d’avoir adopté la rhétorique des autorités chinoises pour décrire la situation au Xinjiang sans évoquer une seule fois les « Xinjiang Police Files », cette fuite de milliers de documents attestant des conditions de vie dans les camps de rééducation de la région.

Twitter won’t let me post the vid. Needless to say that, after admitting in reply to another question that she did a ‘prison visit’ to a detention centre that wasn’t a detention centre any more🥴, she didn’t admit the visit timing was politically motivated (her term up in Sept).

— Luke de Pulford 裴倫德 (@lukedepulford) May 28, 2022

« Jeu, set et match Xi Jinping » a pour sa part commenté Sophie Richardson, directrice Chine chez Human Rights Watch.

« Working group on substantive cooperation » between @UNHumanRights and #China govt?!
Game, set, match to #Xi. @mbachelet @UNHumanRights agrees to the mechanism so flawed all serious players have rejected them. @hrw_chinese @JohnFisher_hrw @hrw @KenRoth https://t.co/cdJp8ttyEP https://t.co/Xnaaef89cy

— Sophie Richardson (@SophieHRW) May 28, 2022

Michelle Bachelet défend sa visite

Malgré ces critiques, Michelle Bachelet continue de défendre l’utilité de son voyage: « J’espère que ma visite encouragera le gouvernement chinois à revoir nombre de ses politiques de manière à assurer que les droits humains soient pleinement respectés et protégés. »

Lors de leur entretien vidéo en début de semaine, Xi Jinping n’avait pas manqué de rappeler que la Chine n’a pas de leçons à recevoir. « Nous n’avons pas besoin d’être repris de manière condescendante. La question des droits humains ne doit pas être politisée ou utilisée comme prétexte pour se mêler des affaires internes des Etats ».

Michael Peuker/boi