Au Burkina Faso, ouverture du procès de l'assassinat du président Sankara — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Principal accusé, Blaise Compaoré, 70 ans, vit en Côte d’Ivoire, pays dont il a obtenu la nationalité, depuis qu’il a été renversé par une insurrection populaire en 2014. Ses avocats ont dénoncé « un procès politique » devant « une juridiction d’exception ».

« C’est un jour de vérité pour moi, ma famille et tous les Burkinabè », a déclaré la veuve de Thomas Sankara, Mariam, présente à l’ouverture du procès.

Des militaires parmi les accusés

Parmi les accusés, le général Gilbert Diendéré, 61 ans, un des principaux chefs de l’armée lors du putsch, est apparu en tenue militaire, manifestement serein et décontracté.

Devenu ensuite chef d’état-major particulier du président Compaoré, le général Diendéré purge déjà au Burkina une peine de 20 ans de prison pour une tentative de coup d’Etat en 2015. Comme Blaise Compaoré, il est accusé de « complicité d’assassinats », « recel de cadavres » et « d’attentat à la sûreté de l’Etat ».

Des soldats de l’ancienne garde présidentielle de Compaoré, notamment l’ancien adjudant-chef Hyacinthe Kafando, soupçonné d’avoir été le chef du commando et qui est actuellement en fuite, figurent également parmi les accusés.

Événements violents

Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat en 1983, Thomas Sankara a été tué avec douze de ses compagnons par un commando lors d’une réunion au siège du Conseil national de la révolution (CNR) à Ouagadougou. Il avait 37 ans.

Longtemps tabou lorsque Blaise Compaoré était au pouvoir (1987-2014), l’affaire a été relancée en 2015 par le régime de transition démocratique et un mandat d’arrêt émis contre Blaise Compaoré par la justice burkinabè en mars 2016.

Bras droit de Sankara, Blaise Compaoré a toujours nié avoir commandité l’assassinat de son frère d’armes et ami intime, bien que le putsch de 1987 l’ait porté au pouvoir.

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agences/ami

Sankara, figure anticolonialiste et héros de la jeunesse africaine

Beaucoup l’appellent encore « l’icône anticolonialiste » ou le « Che Guevara africain ». Thomas Sankara accède au pouvoir en 1983, à la faveur d’un coup d’Etat mené par son ami d’alors, Blaise Compaoré. Le jeune président de 33 ans prône la fierté africaine et l’intégrité. Il renomme le pays, qui s’appelle alors la Haute-Volta, en Burkina Faso, le « pays des hommes intègres ».

D’allure sportive, charismatique et le sourire facile, Thomas Sankara devient l’idole de toute une génération, il porte le treillis militaire et un pistolet offert par le leader nord-coréen Kim Il Sung. Sankara veut assainir les finances publiques, améliorer la situation sanitaire du pays et développer l’agriculture.

Un gouvernement autoritaire

Agacé par trop d’opulence, il fait changer toutes les Mercedes avec chauffeurs de ses équipes pour des Renault 5.

Thomas Sankara dirige le pays d’une main de fer. Il fait surveiller la population par des comités et des tribunaux. L’opposition est réprimée. Il se distancie également de la France et tente, en 1987, de faire alliance avec d’autres pays africains pour ne pas payer les dettes souveraines aux banques occidentales. Trois mois plus tard, il est assassiné.

Son bras droit, Blaise Compaoré, prend le pouvoir pour les 27 années qui suivent, avant d’être renversé en 2014 à la suite d’une insurrection populaire.