Alain Berset: „Pour la Suisse, la réforme de l'OMS est une priorité” — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Lors de la conférence de presse qui a suivi, le conseiller fédéral en charge de la santé a insisté sur la nécessité de réformer l’OMS : « Nous en avons fait une priorité, dit-il. Nous nous sommes engagés de manière aussi constructive que possible pour que cette réforme puisse avancer. La situation actuelle montre à quel point elle est nécessaire. Un des grands problèmes est le financement dont 20% environ dépend de contributions fixes sur lesquelles l’OMS peut compter durablement, si rien ne grave ne se passe, et dont 80% sont des contributions volontaires ».

Le budget de l’OMS correspond au budget des HUG

Et Alain Berset de préciser : « Ces contributions ne sont pas volatiles, mais elles sont fragiles. Le budget de l’OMS est comparable au budget des Hôpitaux Universitaires de Genève ! L’OMS, dont le champ d’intervention est la planète, doit tout gérer avec le budget d’un hôpital universitaire. Cela révèle le problème. Personne n’ignore le fait que la santé est un enjeu global majeur, probablement beaucoup trop sous-estimé ces vingt dernières années. Malheureusement, il aura fallu la pandémie pour que cela devienne une évidence pour tout le monde ».

Alain Berset s’exprime aussi sur les financements privés de l’OMS qui ont suscité des critiques ces derniers mois : « Dans le domaine de la santé, dit le conseiller fédéral, la question n’est pas de savoir si on veut inclure ou exclure les privés. Les financements privés sont là. La question est plutôt : comment sont-ils utilisés ? Quelles en sont les conditions ? Quelle transparence ? Quelle indépendance ? Les fondations peuvent soutenir le travail de l’OMS, mais il faut définir un cadre qui soit clair et transparent pour tout le monde ».

L’OMS n’a pas les moyens de son ambition

La réforme de l’OMS est suivie attentivement par tous les experts de la santé. Marie-Paule Kieny, virologue, est directrice de recherche à l’Inserm depuis 2017. Elle a aussi été sous-directrice générale à l’OMS de 2011 à 2017, elle connaît donc bien l’institution. « Toutes les crises sont différentes, nous dit-elle, et les progrès que nous avons accomplis, lorsqu’il a fallu faire face au virus Ebola, ne sont pas suffisants pour répondre au Covid-19. L’OMS se doit d’être plus agile pour réagir avant qu’une épidémie localisée ne se transforme en pandémie. Et elle doit être plus indépendante des Etats membres ».

Très critiquée depuis l’éclatement de la pandémie, l’OMS peut-elle se réformer ? « Les critiques sont utiles pour toutes les organisations et les crises permettent de progresser. L’OMS peut être réformée si les Etats membres acceptent, au-delà des critiques formulées vis-à-vis du Secrétariat de l’OMS, de remettre en cause leurs propres agissements et manquements. Les propositions du Groupe d’experts mandatés par l’OMS me paraissent une bonne base de discussion », nous répond-elle.

L’OMS a-t-elle les moyens de son ambition d’être plus efficace ? « Pas actuellement, mais ce point doit être pris en compte dans les réformes. Le financement des Etats membres doit être plus important, c’est une condition d’indépendance », estime Marie-Paule Kieny.

« Il faut donner accès aux brevets et au savoir-faire »

S’agissant des brevets concernant les vaccins contre le Covid-19, Marie-Paule Kieny est formelle : « Il faut donner accès non seulement aux brevets mais aussi au savoir-faire ».  Et l’experte d’ajouter : « Les bons accords sont le plus souvent des accords volontaires. Si l’on veut aider les pays à ressources limitées à installer une fabrication domestique de vaccins, la façon la plus simple et la plus consensuelle est de le faire sur la base d’accords de licences. Les droits et les savoir-faire pourraient être gérés au sein d’un « hub » de transfert de technologie. Ce transfert de technologie « multilatéral », promu par l’OMS, est plus efficient qu’une série de transfert bilatéraux non-coordonnés ».

Luisa Ballin