2021: les voeux chinois — Genève Vision, un nouveau point de vue

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L’annonce a surpris, déconcerté et parfois choqué. Nous étions en pleine reconsidération de nos relations avec la Chine suite à la pandémie. Nous avions expérimenté, durement, notre dépendance, notamment dans le domaine médical. Les Européens réfléchissaient à « relocaliser » leurs productions. La guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis prenait de l’ampleur. On regardait tristement Hong Kong. Et surtout, les témoignages des exactions contre les Ouïghours s’étaient multipliés tout au long de 2020. Et voilà que l’Europe concluait avec le « méchant ».

A la décharge de l’Europe, l’accord de principe que l’Union européenne a conclu fin décembre avec la Chine prévoit que la République populaire « s’engage à œuvrer à la ratification » des conventions de l’Organisation internationale du travail, en particulier sur le travail forcé. La situation des Ouïghours est bien sûr dans tous les esprits et les dirigeants européens ne pouvaient pas en faire abstraction. D’où ces clauses, sans doute trop formelles, dont on ignore si elles seront respectées, mais qui ont, à minima, le mérite de mettre l’accent sur les valeurs morales qui nous importent.

La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne a concentré l’attention médiatique de la fin d’année et on a célébré l’accord final comme une sorte de cadeau de Noël. On a du coup moins vu, et donc moins commenté, cet autre accord que l’Europe a négocié avec la Chine. Un accord sur les investissements, jugé historique, qui permettrait aux Européens un accès facilité au marché chinois. L’accord est d’abord une victoire diplomatique chinoise et allemande. La chancelière Angela Merkel voulait finir en beauté l’année de la présidence allemande du Conseil de l’Union, d’autant plus que son pays est le principal partenaire commercial de la Chine.

L’Europe existe

La bonne nouvelle, c’est que l’Europe existe. Elle s’affirme là comme elle a réussi à le faire dans la négociation et la commande commune des vaccins, la mutualisation de la dette ou le plan de relance.

La seconde, c’est qu’elle a marqué sa volonté d’exister de son côté, de plein droit, alors que les tensions entre la Chine et les Etats-Unis vont perdurer même avec l’accession de Joe Biden à la présidence. Une Europe souveraine en quelque sorte, soucieuse d’affirmer sa force et son indépendance qui voit désormais la Chine non seulement comme un marché juteux mais comme un « rival systémique » pour reprendre l’expression des Allemands. Hasard ou pas, l’administration Trump a décrété de nouveaux tarifs douaniers au lendemain de l’annonce de l’accord. La décision américaine a été lue comme une mesure punitive.

La Chine va marquer le calendrier de cette décennie qui va la voir dépasser les Etats-Unis par son PIB. La croissance annoncée cette année est qualifiée de phénoménale par les économistes alors que le reste du monde peine à redémarrer. Le désir de puissance de la Chine impressionne. Sa capacité à rebondir, son énergie, ses efforts pour être première dans tous les domaines économiques, scientifiques, économiques ont de quoi étonner, parfois séduire. Mais le « Made in China », c’est aussi la volonté d’imposer un modèle sociétal et politique, un enjeu à prendre en compte.

La présidente de l’Union, Ursula von der Leyen a twitté : « Le monde de l’après-Covid a besoin d’une relation EU-Chine forte, pour construire un futur meilleur ». Du réalisme bien compris. Le sera-t-il aussi du Parlement européen et des parlements nationaux appelés à ratifier l’accord ? Ce n’est pas sûr qu’ils envisagent le futur de la même manière.

André Crettenand