La France fait des histoires — Genève Vision, un nouveau point de vue

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Le rappel d’histoire est une sorte d’appel à témoin, la référence absolue, l’argument décisif. L’Histoire ne se répète pas, mais on veut croire qu’elle bégaye volontiers.

Il y a quelques semaines, Anne Hidalgo, maire de Paris, donnait une petite commémoration du côté de Montmartre en souvenir des communards. Elle a vu des manifestants furieux l’invectiver, jugeant la cérémonie trop bourgeoise. La Commune est-elle le symbole de la juste révolte populaire ou seulement une sanglante guerre civile ? Gauche et droite s’affrontent.

Il y a quelques mois, des manifestants gilets jaunes exhibaient la tête du président Emmanuel Macron au bout d’une pique à l’image des cortèges sinistres des révolutionnaires.

La France peut afficher un casting de prestige : des victoires éclatantes, des défaites terribles, mais que Victor Hugo a réussi à sublimer malgré tout, des figures légendaires, Jaurès, Blum, de Gaulle, et même un peu Mitterrand en ce moment. La France fut grande. Convoquer les mânes lui fait du bien. Car il y a toujours l’espoir qu’un peu de cette gloire ruisselle jusqu’à aujourd’hui. Une machine à fabriquer des souvenirs et de l’espérance.

Tout cela est plutôt sympathique et témoigne d’une grande nation. La question aujourd’hui est de savoir si les leçons du passé portent au loin. On connaît toutes ces belles phrases où la lecture d’autrefois aiderait à aborder l’avenir. Mais on en doute. Dans un paysage politique décomposé, la nostalgie n’en prend que plus de relief. Le passé permet-il vraiment d’esquisser le futur ? Va-t-il nourrir la réflexion alors que les sondages placent Marine Le Pen en tête du premier tour de l’élection présidentielle ? L’enjeu est autrement important qu’une dispute sur l’histoire.

Nous, Suisses, nous avons nos mythes à nous, moins prégnants, que l’on convoque moins souvent. Car on a la faiblesse de croire que Marignan n’explique pas trop le présent. Nous n’éprouvons pas le besoin de les brandir comme autant de bonnes raisons de ne pas agir. Ou si nous le faisons, nous sommes conscients de sacrifier à la légende.

Un geste artistique en quelque sorte.

André Crettenand